Le séminaire de recherche adossé au programme “Faire siens les morts incertains” (financé par l’ANR) a lieu les vendredi après-midi (14h-16h) à la Misha. 6 séances par an. Organisation : Jeanne Teboul et Clara Duterme.
Participation sur inscription
Programme 2024-2025
Séance 1 : Elisabeth Anstett, CNRS, 18 octobre 2024, salle Asie, 14h-16h
« Du déchet à la relique. Les anthropologues sociaux face au statut changeant des restes humains »
Diverses configurations contemporaines de violations massives des droits de l’homme (génocides, guerres civiles, crimes contre l’humanité), permettent d’observer les statuts divers assignés aux restes humains : ceux-ci sont parfois considérés comme des déchets par les perpétrateurs, chez qui ils suscitent une répugnance et une haine qui se révèlent dans l’acharnement mis à s’en débarrasser ou à les détruire ; pour les experts chargés de les examiner, ils sont des objets techniques auxquels sont administrés des traitement physico-chimiques parfois invasifs et le plus souvent détachés d’affects; pour les survivants, les reste humains deviennent des traces irremplaçables d’un passé disparu, et sont à ce titre considérés comme des reliques précieuses voire sanctifiées. Du plus disqualifiés, au plus sacré, les artefacts ostéologiques d’origine humaine ont donc des vies sociales multiples. Ils subissent, lors des violences, un processus de disqualification (qui se traduit notamment par l’absence de traitement funéraire) puis à l’issue des violences un processus de requalification (sous-tendu par les étapes de la recherche, des éventuelles exhumations et identifications individuelles, et finalement de la réinhumation) que cette intervention proposera d’identifier et d’analyser.
Séance 2 : Pascal Hintermeyer, Université de Strasbourg, 22 novembre 2024, salle Amériques, 14h-16h
« Que faire des morts ? »
Cette séance visera à susciter une réflexion sur cette question anthropologique en envisageant diverses modalités de traitement des cadavres ainsi que les ressources symboliques utilisées pour s’approprier les morts.
Séance 3 : Taline Garibian, Université de Genève, Institut des Humanités en Médecine, 28 février 2025, salle Amériques
Du terrain d’exécution au lieu de mémoire ; administrer les corps des victimes de la Seconde guerre mondiale (Région lyonnaise, 1940-1954)
Entre 1940 et 1945, la guerre et les exactions qui l’accompagnent font de nombreuses victimes dans la région de Lyon. Plusieurs lieux incarnent ces épisodes sombres de l’histoire de la région à l’image de la Nécropole de la Doua qui réunit aujourd’hui les tombes de plus 6’500 personnes « mortes pour la France » lors des deux conflits mondiaux et des guerres d’Indochine et d’Algérie, ou encore le Tata du Chasselay qui abrite les corps de près de 200 soldats – presque exclusivement des tirailleurs – et dont l’architecture rappelle l’origine de ceux qui y sont inhumés. Ces lieux de mémoire sont souvent le résultat d’un travail intense de recherche et d’identification des corps mené par des acteurs publics comme privés. Ils contribuent bien entendu à la diffusion d’un récit sur la guerre, les violences et ceux qui en sont victimes.
En s’intéressant à la trajectoire des corps, du charnier au lieu de mémoire, cette présentation entend éclairer les tensions que suscitent l’administration des morts de guerre et les modalités de leur mobilisation au moment de faire la paix.
Séance 4 : Juliette Cleuziou, Université Lumière Lyon 2, 21 mars 2025, salle Amériques, 14h-16h
« Au nom des morts » Gestion collective des défunts tadjiks en Russie
Dans cette présentation Juliette Cleuziou reviendra sur les façons de prendre soin des morts en contexte migratoire parmi les Tadjiks migrants en Russie. Elle abordera les enjeux matériels et logistiques d’une part, et les enjeux moraux et idéologiques d’autre part, pour comprendre les processus de mobilisation à l’échelle communautaire de migrants qui n’ont, pourtant, pas toujours les moyens de contribuer financièrement à ce genre d’initiatives. A travers l’analyse des leaders communautaires qui les organisent, elle tentera de montrer l’importance de ce type d’institution transnationale dans le maintien du lien au pays d’origine et de l’autorité symbolique dont il est porteur.
Séance 5 : Domitille Mignot-Floure, Université de Toulouse 2, 25 avril 2025, salle Amériques, 14h-16h
« Nos morts restés sans sépulture » : mobilisations politiques, religieuses et mémorielles autours des restes humains découverts au Mans en 2009
La Première guerre de Vendée (1793-1796) a fait dans l’Ouest de la France, selon les estimations avancées par les historiens spécialistes de la période, environ 200 000 morts. En 2009, les archéologues de l’Inrap (Institut National de Recherches en Archéologie Préventive) mettent au jour 154 squelettes datant de la bataille et du massacre qui eut lieu au Mans entre le 12 et le 13 décembre 1793. La découverte des restes humains connut un retentissement certain dans la région des Pays de la Loire et amena la mobilisation d’élus, d’associations mémorielles et d’hommes et femmes politiques de la droite conservatrice à s’exprimer sur le besoin pour les vivants de donner une sépulture aux morts. Il s’agira ici de montrer comment et pourquoi la mise au jour de ces restes suscita une polémique sans précédent en France portant à la fois sur le besoin commémoratif de l’événement et l’inhumation religieuse des ossements, comme sur les qualifications de la violence qui s’est exercée en décembre 1793 au Mans (bataille, massacre, génocide ?).
